Tu n’as pas pu y échapper. Les best-sellers aux titres alléchants jonchent nos kiosques, nos librairies et nos panneaux publicitaires : « La puissance de la joie », « La quête du bonheur par la simplicité », « L’éveil de votre puissance intérieure », « Vous pouvez être ce que vous voulez être », et j’en passe. Ces slogans m’ont longtemps animé mais il m’arrive parfois de les reconsidérer. Enquête sur ces nouvelles croyances qui connaissent un succès fulgurant.
Désenchantement consumériste
Comment expliquer que la quête de sens et de bonheur soit-elle si récurrente ? Comment se fait-il que l’attrait à la « spiritualité » soit-il si fort aujourd’hui ? J’ai l’impression que dans nos sociétés occidentalisées, le « progrès », jusqu’alors idéalisé, semble désormais nous blaser. L’abondance est devenue notre norme, cultivant ainsi notre indifférence, ou presque.
Alors que pour nos ainés qui ont grandi avec l’essor de la société de la consommation, l’épanouissement et le bonheur se trouvaient dans davantage de possessions matérielles, les jeunes générations semblent réaliser la perversité et les limites de ce système.
Ainsi une contre-tendance se dessine : elle se traduira pour certains par une alimentation plus responsable (véganisme, « healthy food », alimentation biologique…), pour d’autres par une « sobriété heureuse », par exemple avec le mouvement « minimaliste » qui encourage à consommer moins pour vivre mieux. L’idée étant de renouer avec une consommation plus responsable de l’humain et de la nature. Comme le dit avec justesse le philosophe iconique de ce courant, Pierre Rabhi :
« Il nous faudra bien répondre à notre véritable vocation qui n’est pas de produire et de consommer jusqu’à la fin de nos vies, mais d’aimer, d’admirer et de prendre soin de la vie sous toutes ses formes. »
Un Dieu nommé « Soi »
Pour certains, cette quête de sens et de bonheur se traduira par une volonté de se développer en tant que personne. Cela peut passer par une meilleure connaissance de soi et de son potentiel, par l’amélioration de sa qualité de vie ou encore par la réalisation de ses aspirations et de ses rêves.
Seulement, ces ambitions respectables ne cachent-elles pas l’idée que le commencement de son bonheur serait nul autre que soi-même ?
Une vision d’ailleurs pas si nouvelle. Quand le philosophe français René Descartes traversa une profonde remise en question existentielle, principalement concernant celle de Dieu, il écrit dans le célèbre Discours de la méthode : « Je pense, donc je suis ». Par ces simples mots, le cartésien affirmait que la seule certitude qu’il avait concernant ce monde, c’était l’existence de sa personne par le moyen de sa pensée. En discutant avec nombre de mes amis, je suis surpris de découvrir que beaucoup se considèrent croyants mais demeurent incapables de donner à Dieu un nom ou un attribut. « Est-ce moi ? Est-ce toi ? Est-ce nous ? N’y aurait-il pas un peu de Dieu en chacun de nous ? »
À la jonction entre l’humanisme, la spiritualité orientale et la philosophie de Spinoza selon laquelle la nature, dont l’homme, serait Dieu, nous assistons à l’affirmation d’une vision du monde, voire d’une nouvelle « religion », telle que définit par Larousse : « croyances et dogmes définissant le rapport de l’homme avec le sacré », où le sacré n’est nul autre que l’homme lui-même.
Un vide en forme de Dieu
Mais ces nouvelles « religions » ne dénaturent-elles pas la raison d’être de ce terme ? Alors que dans les religions dites « abrahamiques » (judaïsme, christianisme et islam) le rapport entre l’homme et Dieu est omniprésent, dans le cas de ces « néo-spiritualités », nous ne sommes qu’en dialogue avec nous-mêmes : chacun est sa genèse et sa finalité, son législateur du bien et du mal, son être absolu. Certes, nous ne sommes pas pour autant indifférents à notre prochain, mais pourrions-nous affirmer comme François d’Assise le disait :
« C’est en s’oubliant que l’on se retrouve soi-même »
La foi chrétienne que je partage avec François d’Assise intègre depuis 2 000 ans des principes tels que la gratitude, la méditation ou encore la « satisfaction du nécéssaire », des thèmes souvent abordés dans les philosophies d’aujourd’hui. Seulement, la foi chrétienne témoigne également d’une certaine lucidité face à la faillibilité et la corruption qui tiraillent le coeur de l’Homme, pourtant créé initialement à l’image de Dieu. C’est pourquoi, notre recherche du bonheur peut aboutir, je le crois, que si nous y ré-intégrons notre Créateur qui connait la raison véritable de notre existence. Blaise Pascal, l’un des prodiges de l’histoire de l’Humanité constatait avec brio :
« Il y a un vide en forme de Dieu dans le coeur de chaque homme qui ne peut être rempli par aucune chose qui ait été créée mais seulement par Dieu, le Créateur, qui s’est fait connaître aux hommes par Jésus. »
Ainsi, les nouvelles croyances présentées précédemment me semblent être des tentatives pour combler « le vide » que Pascal observait dans le coeur humain. Chacun de nous est animé par une soif de transcendance, de Divin, d’éternité et de spirituel : certains penseront y trouver la réponse dans une relation amoureuse, en idéalisant une célébrité, certains, dans un style de vie ou d’alimentation, d’autres dans une carrière ou une philosophie.
Mais pour connaitre un Bonheur véritable et durable, il faut à mes yeux apprendre à connaitre Celui qui nous donne le souffle de vie.