« …Et il y eut un matin… » Telle est l’inscription qui figure en hébreu, en lettres dorées, sur un petit carnet que j’ai récemment acquis pour 20 złoty, dans une librairie de Kazimierz, le quartier juif de Cracovie.
Probablement une référence au passé douloureux du peuple qui y habitait : enfermé durant l’occupation nazie dans d’atroces conditions au sein d’un ghetto, puis exterminé non loin de là dans les camps de la mort, tristement célèbres… En dépit de cette horreur, ce court énoncé ne cherche en rien à ruminer une quelconque haine, une rancœur, pourtant légitimes. Il fait état d’une réalité : il y eut un matin.
Autrement dit, la nuit fit place au jour. La noirceur et l’épaisseur de la nuit cessèrent. Il y eut une fin à l’une des plus grandes tragédies de l’histoire humaine.
S’il serait maladroit de comparer littéralement cet épisode de l’Histoire aux temps que nous vivons, cette citation issue du livre de la Genèse – « …Et il y eut un matin… » – ne cesse de m’interpeller ces dernières semaines. Y-aura-t-il un « matin » à notre situation ? Y-aura-t-il une fin au COVID–19, à l’isolement et à la distanciation sociale ? Y-aura-t-il une fin au terrorisme, à l’escalade de la violence, au refus d’accepter l’autre dans sa différence ? Les mauvais jours finiront-ils vraiment, pour reprendre le titre d’un article que j’ai écrit au début de l’année ? En regardant autour de moi, je vois l’incompréhension et la douleur de proches face au deuil – deuil d’un être cher, mais aussi deuil d’un projet familial, d’un emploi ou encore d’un rêve… Loin d’être une observation abstraite ou distante, cela me renvoie à mes propres doutes et déceptions. Pourquoi Dieu permet-il cela ? Pourquoi semble-t-il silencieux ou absent ? Où est-il dans tout ça ?
Être croyant, j’en suis convaincu, ne revient pas à être une personne présomptueuse, qui s’enferme dans une tour de certitudes forcées.
Au contraire, en feuilletant les pages de ma Bible de voyage, je redécouvre chaque jour les Psaumes, ces textes dans lesquels l’auteur ne cache pas à Dieu ses doutes, ses frustrations, ses peurs. Il le questionne, il l’interroge, il l’interpelle. Trouve-t-il des réponses pour autant ? Assez peu à vrai dire. Ou du moins, pas comme on l’entend.
La réponse que Dieu donne n’est pas nécessairement l’explication de toutes nos épreuves et difficultés, mais l’assurance de sa présence à nos côtés, de son écoute.
Je le crois : c’est dans ce dialogue avec Dieu – même timide, même agité – que naît la foi. Pour ma part, chaque jour, au milieu de mes interrogations, je me rappelle que Dieu est Dieu, et que ses voies sont susceptibles de dépasser ma compréhension humaine. Ce n’est pas facile, loin de là, mais je crois que c’est là le plus beau cadeau que je puisse lui donner : ma confiance.
Peut-être qu’aujourd’hui, l’idée de l’existence d’un Dieu te semble invraisemblable. Peut-être encore, si celui-ci apparait comme existant, il te semble distant, insondable. Les douleurs de ton passé, les défis de ton présent ou encore la situation de notre monde se dressent en obstacles entre lui et toi, ils t’empêchent de croire qu’il peut être digne d’un quelconque intérêt. Comme moi-même et beaucoup d’autres l’avons découvert, sache simplement que tu peux venir à lui tel·le que tu es. Rien ne peut le dissuader de t’accueillir, de t’écouter et d’être à tes côtés !
Alors que cette année éprouvante – 2020 – touche à sa fin, rappelons-nous, pour celle à venir, que derrière chaque nuit de nos vies, il peut y avoir une aube ; que derrière chaque deuil, il peut y avoir une Pâque ; que derrière chaque impasse, il peut y avoir une issue ; que derrière chaque doute, la foi peut naître.
2021 sera-t-elle une « meilleure » année ? L’année d’un retour à la « normale » ? Honnêtement, je n’en ai aucune idée. Ce que je sais en revanche, c’est que Dieu – celui en qui je place ma confiance – « transforme en aurore les profondes ténèbres ».