Joseph Gotte
Nous te aidons à trouver
Qu'est-ce que tu cherches?
/
/

Thiago Santos, « lumière » sous les projecteurs

J’ai eu l’occasion de rencontrer Thiago à plusieurs reprises, durant ces périodes où Paris, la capitale de la haute couture, s’agite pour accueillir les grands noms de ce monde. À 29 ans, le mannequin brésilien démontre avec pertinence que la vocation du croyant dépasse les murs des églises, celle-ci étant de « briller » même dans les sphères les plus sombres de la société.


Salut Thiago. Tout d’abord, peux-tu nous en dire un plus sur toi et ton parcours jusqu’au mannequinat ?

J’ai grandi dans l’état de São Paulo. Enfant, ma famille avait une situation économique assez confortable, jusqu’au jour où, suite à de mauvais investissements, mes parents ont tout perdu. Mis à la porte, nous nous sommes réfugiés chez des membres de notre famille, avant de réaménager plus tard dans une autre maison. Située près d’une favela, celle-ci était très mal construite. Le genre de maison qui n’arrête pas la pluie ! Cette période m’a beaucoup éprouvé et affecté. Au-delà de la précarité matérielle, je souffrais de solitude : ma mère m’interdisait de fréquenter les autres enfants du quartier. Alors après les cours, je passais le reste de ma journée à dormir seul sur la terrasse de notre maison, allongé dans la chaleur du soleil tapant.

Je me rappelle avoir trouvé du réconfort dans le nom d’un film, capté très difficilement sur notre téléviseur : Les survivants. J’ai ressenti à ce moment une voix d’en-haut parler à mon cœur : « Tu vas réussir à survivre à tous tes problèmes ».

À l’âge de 14 ans, une agence a démarché ma sœur pour lui proposer de devenir modèle. Attiré par la promesse des voyages et de l’argent, j’ai demandé si je pouvais moi aussi tenter ma chance. Cette agence s’est avérée être une arnaque, mais l’idée est restée dans ma tête. Après quelques cours de théâtre, j’ai pu financer un book à l’aide des dons de ma grand-mère et de mon oncle, qui pensaient m’aider à acheter de quoi manger et m’habiller. À cette période, la marque Palmolive a lancé un appel à modèles. Je suis allé assez loin dans la compétition, sans pour autant gagner.

Mon oncle, qui habitait aux États-Unis, était une inspiration pour moi. Je rêvais de sa vie. Seulement, je n’osais pas lui demander la permission de le rejoindre. Jusqu’au jour où j’ai compris que je n’avais rien à perdre. À ma surprise, il a accepté que je vienne vivre chez lui. Mon étonnement n’en a été que plus grand quand j’ai obtenu mon visa avec une facilité déconcertante. Un chemin semblait tracé. Alors à 17 ans, je me suis envolé pour Dallas. Là-bas, j’ai appris à la radio l’existence d’un autre concours de mode. J’y ai participé et j’ai pu obtenir une merveilleuse récompense : un contrat avec une agence newyorkaise sérieuse. Le début d’un rêve !


Tu évoquais comment cette parole de Dieu, promettant de meilleurs lendemains, t’a permis de tenir bon dans la période difficile de ton enfance. Peux-tu nous en dire un peu plus sur ta foi ?

Ma mère était la plus religieuse de la famille. D’éducation catholique, elle s’est essayée à des pratiques religieuses appelées afro-brésiliennes, avant de commencer à fréquenter des églises protestantes évangéliques. J’ai pour ma part suivi ma mère là où elle m’amenait. Enfant, je me souviens répondre systématiquement aux appels des pasteurs, qui encourageaient les fidèles à s’avancer dans l’église s’ils souhaitaient consacrer leur vie à Dieu. J’ai dû accepter Jésus trente fois [rires] ! En fait, je m’avançais surtout pour pousser les autres paroissiens à dépasser leur timidité. Parmi les églises que nous avons fréquentées, l’une d’entre elles a été la cause de bien des problèmes dans ma famille. Affirmant à la légère « Dieu m’a dit que… », elle a conduit mes parents à prendre de mauvaises décisions, notamment financières. De plus, un discours assez moralisateur y était délivré.

J’avais l’impression que la foi se résumait à des obligations et des interdits à respecter. Tout ça m’a déçu et j’ai pris mes distances avec l’Église pendant quelques années.

Jusqu’au jour où un ami m’a interpellé par sa manière d’être : c’était un chrétien, mais il ne semblait pas être coupé du monde. Il portait des vêtements dans l’air du temps, chose à laquelle j’étais sensible. Il affirmait, à la suite de l’apôtre Paul : « Tout est permis, mais tout n’est pas utile ». Pour lui, il ne s’agissait pas de suivre sans réfléchir ses envies, mais plutôt de vivre pleinement la liberté que l’on trouve dans le Christ. Lors d’une retraite spirituelle avec cet ami, je me suis « consacré » à Dieu, mais cette fois sincèrement et pleinement. Cette foi renaissante a pu grandir aux États-Unis, où j’ai commencé à fréquenter des chrétiens, qui sont devenus par la suite mes amis.


N’est-ce pas difficile de concilier ta foi avec ta profession ?

Il faut être honnête : c’est vrai que c’est difficile. La mode, c’est un monde assez superficiel et exigeant. Parfois on doit jouer un « rôle ». On n’a pas le droit de se relâcher, de se laisser aller, car notre fonds de commerce, c’est notre corps, notre visage. Ainsi, on peut facilement chercher son identité ou son bonheur en autre chose que Dieu. Comme c’est une profession « sous le regard des projecteurs », il y a la tentation de l’orgueil, celle de la convoitise aussi… Mais finalement, quoi que nous fassions comme métier, nous avons toujours des challenges à relever. Être un chrétien avocat, c’est aussi difficile voire plus ! Quand tu es chrétien, le contact avec le monde séculier se révèle être source de défis. Ça ne devrait pas nous décourager car nous sommes appelés à être « lumière ». Je pense à ce verset des Psaumes :

« Pour toi, les ténèbres deviennent lumière et la nuit est claire comme le plein jour ». Telle est la différence que nous devons apporter là où nous évoluons.


Être « lumière » pour les autres, peut aussi être un appel à leur témoigner de sa foi. Est-ce une mission à laquelle tu te sens investi ?

Aujourd’hui, je témoigne principalement de ma foi sur Instagram. C’est un réseau social qui touche un public large. Mais je ne me suis jamais dit : « Tiens, et si j’utilisais Instagram pour évangéliser ? ». Avant, je n’étais pas vraiment connecté ou actif, si ce n’est pour publier quelques selfies. Il y a quelques années, j’ai traversé une période très difficile : ma mère a été gravement malade, ma carrière stagnait, mon mariage était un échec… Je n’ai alors rien publié pendant plusieurs mois. Un jour, j’ai repris en publiant la seule chose qui me gardait vivant : des versets de la Bible lus sur mon smartphone. Rien de très esthétique ou fun. Mais je n’avais vraiment pas la tête à partager autre chose. Et puis petit à petit j’ai gagné en finesse : je surlignais un verset, j’utilisais une image illustrative… Depuis, j’alterne les publications liées à mon travail avec celles liées à ma foi. Je me dis que ces quelques mots ou images peuvent aider notre génération qui cherche désespérément de l’espoir, en défilant les dernières actualités.

Quand je témoigne de ma foi, je ne suis pas dans l’optique de faire de la publicité pour une église, mais plutôt d’inviter mon interlocuteur – qu’il soit mannequin, styliste ou SDF – à connaitre cette personne qui me fascine : Jésus.

Je n’exige rien des gens, je ne souhaite pas qu’il me donne quelques retours. Que les gens réagissent en se lançant dans une discussion avec moi, ou qu’ils passent à autre chose, ça leur appartient. Au-delà des différents canaux de communication, je crois que le meilleur « média » pour témoigner de sa foi, c’est sa vie. Les paroles, les stratégies Instagram, les visuels léchés…  Pourquoi pas ? Mais si ce n’est pas en cohérence avec ta vie et ton attitude, c’est désastreux. J’aime ce dicton attribué à Saint François d’Assise :

« Prêche tout le temps l’Évangile et, si nécessaire, utilise des mots. »


Pour clôturer cet entretien, pourrais-tu donner quelques conseils aux lecteurs qui te lisent et souhaitent s’engager dans la mode ?

Je crois que l’identité – notamment vis-à-vis de Dieu – est un point indispensable. Il y aura toujours le Malin qui viendra te chuchoter des questions pour te déstabiliser. Un peu comme dans le récit de la Genèse où le serpent souffle à Ève : « Dieu a-t-il vraiment dit : “Vous ne mangerez aucun des fruits des arbres du jardin” ? ». Celui qu’on appelle « le père du mensonge » vient semer le doute là où il y avait la confiance, l’harmonie, la paix. Dans le monde de la mode, c’est un peu la même chose.

Les gens chercheront à te faire dépasser tes limites et tes principes. Ils te diront : « Un peu de ça ? Ce n’est pas grave…  Je te promets, ça ne te fera pas de mal ! ».

Attention, car le chemin du compromis est dangereux. Il faut vraiment être solide, vigilant et enraciné en Dieu pour ne pas être déstabilisé quand la tentation se présente. On a besoin d’exercer et de muscler sa foi à travers la prière, la lecture de la Bible, la vie d’église…

Il ne s’agit pas de suivre une liste de choses à faire ou ne pas faire, mais d’être « connectés » à l’amour que Dieu nous porte et de gouter à la liberté qu’il désire pour nous.

Malgré tout, il y aura des jours où l’on va « tomber ». Quand on revient à Lui, c’est à ce moment-là qu’on goûte tout particulièrement à sa grâce et à son pardon. N’ayons pas peur d’être honnêtes à l’égard de Dieu et des autres. La Bible nous fait bien cette promesse : « Confessez vos péchés les uns aux autres […] afin que vous soyez guéris. ».


Merci Thiago ! C’est merveilleux de te voir témoigner avec sincérité dans ce monde qui souffre de superficialité. « Que l’Éternel fasse briller son visage sur toi et t’accorde sa grâce ! »


© Photographies de Hudson Rennan.

Références bibliques, par ordre d’apparition :

  • Nouveau Testament, Première lettre de Paul aux Corinthiens, chapitre 10, verset 23.
  • Nouveau Testament, livre des Psaumes, chapitre 139, verset 12.
  • Ancien Testament, livre de la Genèse, chapitre 3, verset 5.
  • Nouveau Testament, épître de Jacques, chapitre 5, verset 16.
  • Ancien Testament, livre des Nombres, chapitre 6, verset 25.
Étiquettes:
Laisser un commentaire

Ce site utilise Akismet pour réduire les indésirables. En savoir plus sur comment les données de vos commentaires sont utilisées.