Photographie d’un jeune homme dormant sur la statue « Homeless Jesus » (« Jésus sans domicile ») à Washington.
À l’heure où les chrétiens sont pointés du doigt pour leur soutien dans la montée au pouvoir du nouveau président brésilien Jair Bolsonaro, ou encore dans l’affirmation de la mandature de Donald Trump à l’occasion des midterms, la perception du christianisme dans le monde semble en crise.
Aux yeux de beaucoup, l’amour du prochain et la défense des plus vulnérables paraissent s’éclipser pour laisser place au populisme, à l’homophobie ou encore au sectarisme. Une réaction naturelle et intuitive serait de critiquer un traitement médiatique défavorable, clairement caricatural. C’était d’ailleurs la mienne ! Mais ne passons-nous pas ainsi devant l’opportunité d’adresser un mea-culpa (« ma faute » en latin) ou de nous mettre aux bénéfices d’une remise en question ? Car si les fléaux évoqués précédemment ne sont pas les caractéristiques de la plupart des chrétiens qui m’entourent, un peu d’honnêteté me pousse à affirmer qu’ils restent une réalité. Il apparait plus que jamais nécessaire pour les chrétiens de renouer avec l’ADN de l’Église « primitive » !
I – Consumérisme et professionnalisme :
les limites de l’église 2.0
Nombreuses des églises que je fréquente, de tendances évangélique ou charismatique, se caractérisent par un souffle de modernité : musiques contemporaines, communications 2.0, vision managériale empruntée à celle des grandes entreprises, messages inspirants dans un style « développement personnel » … Cette dynamique générale m’a permis de garder un pied dans l’église, à une époque où le monde séculier avait de quoi m’attirer. Seulement, avec un peu de recul, cette façon de faire l’église, malgré ses forces, me semble présenter des limites. L’itinéraire simplifié qu’elle propose le dimanche matin (places de parkings proposées, prise en charge des enfants, format court et dynamique…) peut résulter à la construction d’un rapport consumériste à l’église. À l’image des centres commerciaux ou de restaurants fast-food, tout est pensé pour nous simplifier la « consommation ».
Le travail qu’une telle démarche exige me semble monopoliser peu à peu les préoccupations de nos communautés, quitte à en délaisser l’œuvre sociale, pourtant notre force historique.
Car s’il est bon de rappeler que les ONG chrétiennes représentent près de 60% des ONG affiliées aux Nations Unies (ONG confessionnelles : Religions et action internationale, 2007), démontrant ainsi l’importance des chrétiens dans le paysage humanitaire, l’aide aux nécessiteux devient dans de nombreuses églises un « à côté », « un plus », mais non plus sa centralité.
II – Social et spirituel : une fausse dualité
Le modèle originel de l’Église que nous livre les Actes des Apôtres, loin d’être préoccupé par la performance, l’esthétisme ou la modernité, est profondément social : « Tous les croyants vivaient unis entre eux et partageaient tout ce qu’ils possédaient. Ils vendaient leurs propriétés et leurs biens et répartissaient l’argent entre tous, selon les besoins de chacun. » (Actes 2:45). Pourtant, aujourd’hui l’idée de « christianisme social » dérange et sous-entendrait pour certains un christianisme dénué des réalités spirituelles, ou encore non-préoccupé par la juste doctrine. L’activiste chrétien Shane Claiborne constate avec pertinence le non-lieu de cette hostilité :
« Une forme de conflit a dès lors infecté l’Église [au XXe siècle], une forme de dualisme dans lequel les gens séparent le spirituel du politique ou du social, comme si les problèmes politiques et sociaux ne relevaient pas d’un quelconque intérêt spirituel, comme si Dieu n’avait pas une meilleure vision à offrir à ce monde. »
(Vivre comme un simple radical, 2009)
Le message de la Bible est à la fois profondément spirituel et social ! Jésus enseignait la juste théologie et les réalités spirituelles, tout en mettant en pratique l’Amour et l’aide aux nécessiteux. Tout cela d’une telle manière que ces différentes composantes de son ministère paraissent indissociables !
III – Vaincre l’indifférence
et la boulimie spirituelle
À titre personnel, j’ai moi-même longtemps délaissé les problématiques sociales et environnementales, sous-prétexte qu’elles ne soient pas assez « spirituelles ». Si à la suite de ma rencontre avec Dieu, j’étais profondément révolté face à la dégradation de la Création, face à l’injustice et la misère, si je voulais répondre à Son appel d’aimer pleinement « mon prochain comme moi-même », je me suis peu à peu endormi dans une foi confortable. Assistant au culte dominical, évitant toutes situations contraignantes et donnant à des associations, histoire d’avoir bonne conscience, l’indifférence en moi grandissait.
Pourtant, quelque chose manquait à ma vie, à ma foi : quelque chose sonnait creux. Ma connaissance de la Bible et de la théologie croissait nettement, mais son application devenait limitée.
Comme le dirait Claiborne, « j’avais spirituellement faim à en crever ». J’étais tellement marqué par le consumérisme ambiant que je pensais qu’il me fallait me gaver de davantage de livres chrétiens ou de prédications. En déménageant à Paris, en septembre dernier, j’ai intégré des études en communication politique. L’obstination liée au discours et aux mots, n’a fait que susciter en moi une soif d’agir, d’aimer par des actions concrètes. Je remercie Dieu d’être tombé sur une église où tous les âges, origines, arrière-plans se mélangent. Et je remercie Dieu d’être tombé sur une église construite sur une volonté de faire une différence dans son quartier, dans sa ville, dans son pays. Aussi insignifiant que ça puisse paraitre, participer à des maraudes (actions auprès des personnes précaires et sans abri), parler, prier et donner de quoi manger, se vêtir à ceux qui remplissent nos métros et nos rues, mais que nos yeux ignorent, me rappelle que la vie chrétienne n’est complète que si elle nous pousse à la rencontre avec l’Autre. Comme le pasteur et résistant au nazisme Dietrich Bonhoeffer le dit si bien :
« L’Église n’est réellement Église, que quand elle existe pour ceux qui n’en font pas partie. »
IV – Pour conclure :
le meilleur témoignage de l’Église
Le meilleur témoignage que l’Église puisse donner, ce n’est pas sa technicité, sa modernité, sa performance, son esthétisme, auxquels cas, elle ne devient qu’un produit marketing ou une entreprise qui tourne bien. Le meilleur témoignage est bien plus subtil. Il nous conduit, là où Jésus se manifeste tel « un doux murmure », ici ou ailleurs, auprès de ceux où on l’attendrait le moins : un sans-abri, un réfugié, une prostituée, un enfant… Jésus affirmait bien : « Toutes les fois que vous avez fait cela à l’un de ces plus petits de mes frères [et de mes sœurs], c’est à moi que vous l’avez fait. » Le monde ne se rappellera pas de bons techniciens, de bons orateurs, ou de bons metteurs en scène. Le monde se rappellera de ceux qui ont donné ou donnent aujourd’hui même leur vie pour leur prochain : Martin Luther King, l’Abbé Pierre, Mère Teresa, Denis Mukwege, pour ne citer que quelques-uns qui nous sont proches. Ils nous montrent la voie. À nous de continuer dans cette même direction. Ce n’est pas un chemin facile, mais c’est en l’empruntant que l’Église pourra pleinement briller dans ce monde.
« Mes enfants, que notre amour ne se limite pas à des discours et des belles paroles, mais qu’il manifeste sa réalité par des actes. » (1 Jean 3:18)
Voilà un bon défi pour chacun de nous !
Sois béni.e,
Joseph
Merci d’avoir mis des mots sur la situation actuelle,je le vis en ce moment depuis une semaine je commence a le pratiquer et tout est different.
DIEU nous aide à courir, sois encouragé bro. Que DIEU nous accorde la grace de manifester Christ là ou il nous a planté.
Blessings
Très bon article ! Merci pour les différents points soulevés. Je suis totalement d’accord avec toi sur ce que tu évoques. Merci de mettre en lumières certaines choses! Très souvent, on voit que certaines de nos institutions politiques ou sociales ont pour origine religieuse: l’église a eu un impact très fort dans le passé et comme tu parles de l’église 2.0, l’église peut et doit avoir un impact dans notre société.
Merci Joseph 😉
Belle description, acerbe certes, mais réelle, de l’Eglise telle qu’elle a tendance a être aujourd’hui (ne generalisins pas).
Un « club » social à vocation spirituelle où l’entre-soi contredit le sens premier de « service ».
Plus que l’église en soi, c’est la mollassonne acception du « confort » (intiment lié au consumérisme voire clientélisme) qui tue dans l’œuf l’ardent désir de changer qui animé le nouveau converti.
Décider de ne plus être tiède. Ni mièvre.
Merci de nous y aider par vos réflexions.
Super article
Très bon article !
Merci pour ce rappel. Si nous grandissons spirituellement, nous portons du fruit, donc notre amour envers notre prochain doit se manifester d’avantage. Il y tellement d’opportunités de faire le bien autour de nous, tellement d’âmes à encourager à secourir. Et la joie qui en résulte est incomparable. Ayons soin des pauvres comme nous l’a recommandé Jésus mais que tout ce que nous entreprenons soit motivé par un amour sincère.
merci pour l’article en plus c’est la vérité on parle beaucoup mais on ne suit pas dans la réalité. il faut que l’église passe à la pratique de la Parole de Dieu.
Merci pour ce recadrage, nécessaire, à l’heure où les ténèbres grandissent et où l’Eglise n’émet plus qu’une « lumière tamisée »!
Je ne sais que dire…seulement merci…et j’use tout avec mes amis…j’aime beaucoup le topic et les points eleves…c’est une ecole et je benis le Bon Dieu pour le talent de mon frere merci.
Magnifique article, qui me pousse à AIMER davantage l’autre, celle ou celui que l’on ignore ou que l’on feint de ne pas voir.
J’ai hâte de vendre ma société pour me consacrer pleinement à DIEU à ses œuvres et aux autres.
Grandir avec Dieu c’est merveilleux, j’ai encore beaucoup de soucis et encore besoin d’apprendre la parole de Dieu, mais je vois que chaque jour je deviens meilleure.
Gloire à Dieu tout Puissant
Glaire à Jésus qui à donné sa vie pour le pardon de mes péchés et celui de l’humanité
Bientôt Noël, j’adresse de joyeuses fêtes à chacune et chacun d’entre vous, l’anniversaire de notre Seigneur Jésus Christ est important à rappeler.
Père protège mes sœurs et Frères chrétiens du monde entier.
Que ton NOM soit SANCTIFIE
J’ai 61,62 ans dans quelques jours,et je me réjouis de ce que des « jeunes » vaillants héros se lèvent et s’engagent à réveiller ce qui est prêt de mourir au sein de l’Eglise de Christ !!! le meilleurs est devant nous,tant que nous demeurons en Lui ! continuons le bon combat ! Que Son nom soit béni !!!
J’admire ton discours Joseph. Il est étonnant de maturité et on voit que tu as de solides références et aussi que tu as beaucoup réfléchi. Ton milieu familial t’y aide sans doute et tu fais beneficier d’autres jeunes et moins jeunes de ton credo en donnant des pistes concrètes. Bravo continue comme ça !
Merci beaucoup Eveline pour tes encouragements !
Merci pour cet article et j’en profite pour partager un lien qui recense des formations qui peuvent nous aider à grandir dans la foi (sans négliger l’application concrète dans notre vie), c’est de dont nos églises ont énormément besoin
https://lefruitquidemeure.wordpress.com/2019/09/17/et-si-je-me-formais-la-liste-des-formations-de-theologie/
Merci beaucoup pour cet article qui me fait réfléchir à la façon dont je peux traité mon prochain !! Je trouve important de redire que d’aimer son prochain n’est pas si simple ( surtout quand on peut avoir des ennemis) mais c’est si important car quand on aime notre prochain;on révèle l’amour que Dieu nous donne !! Alors merci de me l’avoir fait prendre conscience de nouveau !! Merci pour tes dons de l’écriture pour être une inspiration pour notre génération !! Que le seigneur te bénisse et t’accompagne durant cette nouvelle année et pour tes futurs projets !!
Merci pour cet article qui me fait réfléchir à la manière dont je peut traiter mon prochain !! « Aimer son prochain » peut être tellement facile mais tellement dur à la fois ( surtout si on a des ennemis ) mais Dieu nous aide chaque jour à aimer davantage notre prochain et ça c’est une grace qu’on ai une aide si précieuse !! Ça m’a fait réfléchir à l’intention que je donne quand je veux aider ou aide mon prochain si je le fais pour ma conscience ou si je le fais avec mon cœur pour témoigner de l’amour de dieu alors merci !! Merci d’être un jeune aussi inspirant pour notre génération !! Que le seigneur te bénisse , te garde durant cette année et que tes futurs projets se réalisent ( si c’est la volonté de Dieu bien sûr 😊)
Merci à toi Alice pour ton retour ! C’est en effet un véritable défi 🙂 Sois bénie !