Joseph Gotte
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Trop occupés pour aimer : vaincre l’indifférence et le consumérisme dans l’Église

À l’heure où les chrétiens sont pointés du doigt pour leur soutien dans la montée au pouvoir du nouveau président brésilien Jair Bolsonaro, ou encore dans l’affirmation de la mandature de Donald Trump à l’occasion des midterms, la perception du christianisme dans le monde semble en crise.


Aux yeux de beaucoup, l’amour du prochain et la défense des plus vulnérables paraissent s’éclipser pour laisser place au populisme, à l’homophobie ou encore au sectarisme. Une réaction naturelle et intuitive serait de critiquer un traitement médiatique défavorable, clairement caricatural. C’était d’ailleurs la mienne ! Mais ne passons-nous pas ainsi devant l’opportunité d’adresser un mea-culpa (« ma faute » en latin) ou de nous mettre aux bénéfices d’une remise en question ? Car si les fléaux évoqués précédemment ne sont pas les caractéristiques de la plupart des chrétiens qui m’entourent, un peu d’honnêteté me pousse à affirmer qu’ils restent une réalité. Il apparait plus que jamais nécessaire pour les chrétiens de renouer avec l’ADN de l’Église « primitive » !


Consumérisme et professionnalisme : les limites de l’église 2.0

Nombreuses des églises que je fréquente, de tendances évangélique ou charismatique, se caractérisent par un souffle de modernité : musiques contemporaines, communications 2.0, vision managériale empruntée à celle des grandes entreprises, messages inspirants dans un style « développement personnel » … Cette dynamique générale m’a permis de garder un pied dans l’église, à une époque où le monde séculier avait de quoi m’attirer. Seulement, avec un peu de recul, cette façon de faire l’église, malgré ses forces, me semble présenter des limites. L’itinéraire simplifié qu’elle propose le dimanche matin (places de parkings proposées, prise en charge des enfants, format court et dynamique…) peut résulter à la construction d’un rapport consumériste à l’église. À l’image des centres commerciaux ou de restaurants fast-food, tout est pensé pour nous simplifier la « consommation ».

Le travail qu’une telle démarche exige me semble monopoliser peu à peu les préoccupations de nos communautés, quitte à en délaisser l’œuvre sociale, pourtant notre force historique.

Car s’il est bon de rappeler que les ONG chrétiennes représentent près de 60% des ONG affiliées aux Nations Unies (ONG confessionnelles : Religions et action internationale, 2007), démontrant ainsi l’importance des chrétiens dans le paysage humanitaire, l’aide aux nécessiteux devient dans de nombreuses églises un « à côté », « un plus », mais non plus sa centralité.


Social et spirituel : une fausse dualité

Le modèle originel de l’Église que nous livre les Actes des Apôtres, loin d’être préoccupé par la performance, l’esthétisme ou la modernité, est profondément social : « Tous les croyants vivaient unis entre eux et partageaient tout ce qu’ils possédaient. Ils vendaient leurs propriétés et leurs biens et répartissaient l’argent entre tous, selon les besoins de chacun. » (Actes 2:45). Pourtant, aujourd’hui l’idée de « christianisme social » dérange et sous-entendrait pour certains un christianisme dénué des réalités spirituelles, ou encore non-préoccupé par la juste doctrine.  L’activiste chrétien Shane Claiborne constate avec pertinence le non-lieu de cette hostilité :

« Une forme de conflit a dès lors infecté l’Église [au XXe siècle], une forme de dualisme dans lequel les gens séparent le spirituel du politique ou du social, comme si les problèmes politiques et sociaux ne relevaient pas d’un quelconque intérêt spirituel, comme si Dieu n’avait pas une meilleure vision à offrir à ce monde. »

Vivre comme un simple radical, 2009

Le message de la Bible est à la fois profondément spirituel et social ! Jésus enseignait la juste théologie et les réalités spirituelles, tout en mettant en pratique l’Amour et l’aide aux nécessiteux. Tout cela d’une telle manière que ces différentes composantes de son ministère paraissent indissociables !


Vaincre l’indifférence et la boulimie spirituelle

À titre personnel, j’ai moi-même longtemps délaissé les problématiques sociales et environnementales, sous-prétexte qu’elles ne soient pas assez « spirituelles ». Si à la suite de ma rencontre avec Dieu, j’étais profondément révolté face à la dégradation de la Création, face à l’injustice et la misère, si je voulais répondre à Son appel d’aimer pleinement « mon prochain comme moi-même », je me suis peu à peu endormi dans une foi confortable. Assistant au culte dominical, évitant toutes situations contraignantes et donnant à des associations, histoire d’avoir bonne conscience, l’indifférence en moi grandissait.

Pourtant, quelque chose manquait à ma vie, à ma foi : quelque chose sonnait creux. Ma connaissance de la Bible et de la théologie croissait nettement, mais son application devenait limitée.

Comme le dirait Claiborne, « j’avais spirituellement faim à en crever ». J’étais tellement marqué par le consumérisme ambiant que je pensais qu’il me fallait me gaver de davantage de livres chrétiens ou de prédications. En déménageant à Paris, en septembre dernier, j’ai intégré des études en communication politique. L’obstination liée au discours et aux mots, n’a fait que susciter en moi une soif d’agir, d’aimer par des actions concrètes. Je remercie Dieu d’être tombé sur une église où tous les âges, origines, arrière-plans se mélangent. Et je remercie Dieu d’être tombé sur une église construite sur une volonté de faire une différence dans son quartier, dans sa ville, dans son pays. Aussi insignifiant que ça puisse paraitre, participer à des maraudes (actions auprès des personnes précaires et sans abri), parler, prier et donner de quoi manger, se vêtir à ceux qui remplissent nos métros et nos rues, mais que nos yeux ignorent, me rappelle que la vie chrétienne n’est complète que si elle nous pousse à la rencontre avec l’Autre. Comme le pasteur et résistant au nazisme Dietrich Bonhoeffer le dit si bien :

« L’Église n’est réellement Église, que quand elle existe pour ceux qui n’en font pas partie. »


Pour conclure : le meilleur témoignage de l’Église

Le meilleur témoignage que l’Église puisse donner, ce n’est pas sa technicité, sa modernité, sa performance, son esthétisme, auxquels cas, elle ne devient qu’un produit marketing ou une entreprise qui tourne bien. Le meilleur témoignage est bien plus subtil. Il nous conduit, là où Jésus se manifeste tel « un doux murmure », ici ou ailleurs, auprès de ceux où on l’attendrait le moins : un sans-abri, un réfugié, une prostituée, un enfant… Jésus affirmait bien : « Toutes les fois que vous avez fait cela à l’un de ces plus petits de mes frères [et de mes sœurs], c’est à moi que vous l’avez fait. » Le monde ne se rappellera pas de bons techniciens, de bons orateurs, ou de bons metteurs en scène. Le monde se rappellera de ceux qui ont donné ou donnent aujourd’hui même leur vie pour leur prochain : Martin Luther King, l’Abbé Pierre, Mère Teresa, Denis Mukwege, pour ne citer que quelques-uns qui nous sont proches. Ils nous montrent la voie. À nous de continuer dans cette même direction. Ce n’est pas un chemin facile, mais c’est en l’empruntant que l’Église pourra pleinement briller dans ce monde.

« Mes enfants, que notre amour ne se limite pas à des discours et des belles paroles, mais qu’il manifeste sa réalité par des actes. »

1 Jean 3:18

Voilà un bon défi pour chacun de nous !

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